Emmanuel Macron devrait prochainement confier à François Bayrou une réflexion stratégique sur l’action publique des prochaines décennies. A moins de deux ans de la fin de son mandat, et alors que le gouvernement s’apprête à présenter son plan de relance au Conseil des ministres du 25 août, l’initiative pourra paraître paradoxale et un peu tardive. Après la constitution d’un gouvernement passablement pléthorique, elle risque d’apparaître comme un artifice politique, un ultime lot de compensation pour celui qui, après avoir rendu possible la victoire de Macron en 2017, avait dû quitter le gouvernement pour cause de mise en examen dans l’enquête sur l’emploi des assistants parlementaires européens du Modem.
Les soutiens du chef de l’Etat saluent, au contraire, une initiative qui le projette dans le temps d’un deuxième mandat. «C’est une bonne idée d’organiser la réflexion à long terme sur les enjeux de l’après-crise», estime le député LREM Roland Lescure. Pour ce dernier, cela doit toutefois s’accompagner d’une réorganisation globale de tous les instituts de réflexion plus ou moins gouvernementaux qui coexistent aujourd’hui.
Un poste disparu dans les années 2000
L’Elysée ne confirme pas officiellement la promotion imminente du chef centriste. Mais la renaissance du haut-commissaire, poste inauguré en 1946 par Jean Monnet dans la France d’après-guerre, puis tombé peu à peu en désuétude avant de disparaître dans les années 2000, a été clairement annoncée par le Premier ministre, Jean Castex, dans sa déclaration de politique générale du 15 juillet. Afin de «retrouver les voies de l’anticipation» et pour éviter que l’action de l’Etat ne soit «réduite à la simple gestion des crises et des urgences», il avait annoncé «la création rapide» d’un commissariat général au Plan chargé «d’identifier les gisements de croissance futurs, de définir une perspective et de fixer un cap».
Si la crise sanitaire a achevé de convaincre l’exécutif de l’utilité d’un tel poste, Bayrou, lui, en avait théorisé la nécessité dès 2012, bien avant son alliance avec Macron. Dans Résolution française, ouvrage paru en 2017, il confiait qu’il lui arrivait d’envier à la Chine sa capacité à «penser le monde à trente ans» alors que les gouvernements français, eux, ne la pensent «pas même pas à trente jours». Se réclamant héritier politique de Monnet, le chef centriste regrettait que le Plan ait été sacrifié, en France, à la «dictature de l’instant». Il fallait, écrivait-il, «remettre la réflexion stratégique au centre de la politique nationale». Selon l’un de ses proches, c’est ce qui l’a toujours distingué de ses alliés d’un centre-droit libéral, convaincus, eux, qu’il suffisait de «faire confiance à la main invisible du marché».
Dès 2017, Bayrou défendait donc l’idée d’une instance «indépendante du gouvernement et du Parlement». Elle devait être rattachée au seul président de la République, «garant du long terme». Sur ce dernier point, à ses yeux crucial, il semble, à en croire son entourage, que le président du Modem ait obtenu satisfaction : contrairement aux précédents hauts-commissaires, celui-ci n’aurait pas vocation à assister au Conseil des ministres, ni même à rendre de compte au Premier ministre. Non pas que le Béarnais se méfie de son voisin des Pyrénées-Orientales : il a publiquement qualifié de «très bon choix» la nomination de Jean Castex, alors qu’il avait été nettement moins enthousiaste concernant celle d’Edouard Philippe…
Locaux autonomes et cumul des mandats
Selon le Figaro, Castex et Bayrou auraient convenu des modalités de leur future cohabitation lors d’un dîner le 21 juillet. Bayrou souligne avec insistance qu’il n’a aucune intention d’entrer en compétition avec Matignon : «Il pense juste qu’il faut une grande indépendance pour penser le temps long et s’emparer des sujets qui ne sont pas traités», explique un de ses proches. Le futur haut-commissaire se serait d’ores et déjà vu attribuer ses propres locaux autonomes qui ne seront les annexes d’aucun ministère. Autre avantage du dispositif : cette relative indépendance vis-à-vis de l’exécutif dispenserait le maire de Pau de se plier à la consigne du non-cumul des mandats, qui s’applique – sauf exception – à tout membre du gouvernement.
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«Voilà en tout cas une nomination dont on pourra difficilement prétendre qu’elle est d’inspiration sarkozyste», plaisante-t-on dans l’entourage de Bayrou. De fait, si le nouveau gouvernement formé au début de l’été avait tout pour plaire à l’ancien chef de l’Etat, notamment en raison du poids de deux de ses ex-collaborateurs, Jean Castex et Gérald Darmanin, la promotion du président du Modem devrait, à l’inverse, profondément le contrarier. Dans son dernier livre, grand succès de librairie, il est particulièrement sévère. Bayrou ? «Son tempérament profond le portait à une détestation de tous ceux qui avaient réussi là où il avait lui-même échoué», écrit Sarkozy, qui fait le pari que Macron sera par conséquent, lui aussi, détesté et trahi par son futur haut-commissaire. Peu importe que cette hasardeuse conjecture se vérifie un jour. Elle fait surtout la joie des fidèles sarkozystes qui ne pardonneront sans doute jamais à Bayrou d’avoir contribué, en 2012, à l’échec de leur champion dans sa quête d’un deuxième mandat.
August 19, 2020 at 04:29PM
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Un haut-commissariat au Plan à la sauce Bayrou - Libération
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